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#Santé

Glaucome, le point sur les traitements

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OPTICIENS ORTHOPTISTES OPHTALMOLOGISTES
05/12/2023

Maladie du nerf optique, le glaucome est responsable de 20% des cécités en Europe. Mais de nombreuses options thérapeutiques existent, qui permettent de freiner son évolution et même de le stabiliser s’il est diagnostiqué à temps. Un message que martèle le Pr Christophe Baudouin, spécialiste en chirurgie de la cataracte et du glaucome, des pathologies de la surface oculaire, ainsi qu’en imagerie cornéenne et du nerf optique. Nous faisons le point avec lui sur cette pathologie, et les dernières avancées en matière de traitement chirurgical.

 

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Pr Christophe Baudouin, chef de service, président de la Commission médicale d’établissement de l’hôpital des Quinze-Vingts, et directeur de l’Institut Hospitalo-Universitaire (IHU) FOReSIGHT.

 

Maladie chronique, le glaucome est une des grandes causes de cécité, avec près de 60 millions de malades dans le monde, dont 8 millions d’aveugles. En France, environ 1,5 million de personnes en sont atteintes, soit 3 à 4% de la population générale. Mais parce que cette maladie est insidieuse, et que les personnes atteintes présentent peu de signes avant-coureurs, jusqu’à 500 000 Français de plus pourraient en être atteints, sans le savoir. En effet, le glaucome ne provoque ni douleur, ni baisse brutale de la vision, mais un rétrécissement progressif du champ visuel. Cette réduction de la vision, qui va se refermer en tunnel, jusqu’à aboutir à la cécité dans les cas les plus avancés, commence par un flou indétectable à la périphérie de la vision, ou des changements de sensibilité à la lumière. La tension oculaire, le diabète et la myopie sont cependant des facteurs qui favorisent le développement de cette maladie. Une pression oculaire trop élevée, due à un défaut d’évacuation de l’humeur aqueuse, est ainsi responsable de 90% des cas de glaucome. La raison en est une neuropathie du nerf optique qui, du fait de cette pression, dégénère et perd progressivement les fibres nerveuses véhiculant l’information depuis la rétine jusqu’au cerveau. Les cas restants sont essentiellement le fait d’anomalies vasculaires qui finissent par entraîner une même dégénérescence.

"Si un cas de glaucome est détecté dans une famille, il est fondamental que les autres membres aillent se faire dépister."

 

Quand l'hérédité pousse à diagnostiquer un glaucome précocement

Le glaucome est une pathologie héréditaire. « Si un cas de glaucome est détecté dans une famille, il est fondamental que les autres membres aillent se faire dépister car leur risque de développer également la maladie est de 20 à 25% » précise ainsi le Pr Baudouin. Et ce quel que soit l’âge. Car si 1 à 2% des personnes de plus de 40 ans sont concernées, contre 10% pour les plus de 70 ans, il existe en effet également des formes congénitales touchant même les nouveau-nés, et des formes juvéniles impactant les adolescents. Celles-ci sont cependant rares. Vu le faible pourcentage de la population générale touché par cette pathologie, un dépistage systématique ne serait en tout cas pas efficace. Il est donc crucial de signaler les facteurs de risques à son ophtalmologiste. D’autant plus que « la détection précoce d’un glaucome permet sa stabilisation dans 90% des cas, et ceci sans handicap visuel pour une bonne part des patients. Plus on détecte les cas tôt, plus cela nous laisse une grande marge de sécurité pour atteindre cet état stable » reprend le spécialiste, qui explique se battre au quotidien pour que des patients malvoyants ne deviennent pas non-voyants.

"La détection précoce d'un glaucome permet sa stabilisation dans 90% des cas, et ceci sans handicap visuel pour une bonne part des patients."

 

Traitement du glaucome, de nombreuses molécules thérapeutiques

Les recherches visant la protection ou la régénération du nerf optique sont jusqu’ici restées sans succès. Tout ce qui est perdu comme vision l’est donc sans espoir de récupération. Cependant, une prise en charge minutieuse permet de faire baisser la pression oculaire et ainsi de diminuer jusqu’à la stopper la dégénérescence optique. « Nous pouvons laisser espérer à quelqu’un qui n’est pas encore gêné, ou très peu, par son glaucome, de vivre toute sa vie avec une gêne minime qui n’évoluera pas vers la cécité qu’il craint » martèle le Pr Baudouin.
Dans ce combat, le professeur et ses homologues bénéficient d’un assez large arsenal de traitements médicamenteux et chirurgicaux. L’un des principaux mécanismes visés est l’amélioration de l’évacuation de l’humeur aqueuse. Celle-ci se fait principalement via le trabéculum, un filtre de fibres de collagènes situé à la jonction de l’iris et de la cornée, ou par une autre voie dite uvéosclérale, accessoire mais tout de même significative. L’autre angle d’attaque pour diminuer la pression dans l’œil est de « couper le robinet », c’est-à-dire de faire diminuer la sécrétion de l’humeur aqueuse. Les premiers médicaments contre le glaucome apparaissent dès la fin du 19e siècle. Mais c’est depuis les années 90 que l’éventail des traitements possibles s’est considérablement élargi, s’enrichissant de nouvelles familles de molécules thérapeutiques. Ayant des mécanismes d’action et des cibles différentes, celles-ci peuvent se combiner. C’est d’ailleurs le cas pour plus de 40% des patients.

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Professeur Christophe Baudouin © Renaud Wailliez - Hôpital National des Quinze-Vingts

 

Un point d'achoppement, les possibles effets secondaires des traitements contre le glaucome

Cependant, ces traitements, à prendre sous forme de collyres, ne sont pas sans effets secondaires. Si certains, comme les bêtabloquants, peuvent avoir des effets systémiques de type fatigue, essoufflements, et même dépression, la majeure partie des effets indésirables se font ressentir localement. Inflammation chronique, irritation, sécheresse oculaire, rougeurs, qui s’aggravent avec le temps, photophobie… Loin d’être anodins, ces désagréments, qui peuvent apparaître longtemps après le début de la prise du traitement, impactent fortement la qualité de vie des patients. « Le glaucome est une pathologie sournoise, pour laquelle le patient doit souvent prendre à vie un traitement alors même qu’il ne constate pas encore les effets de sa maladie. Si les désagréments de ces médicaments s’avèrent plus importants que la gêne visuelle, cela peut mener à un défaut d’observance, une tendance à oublier ou arrêter la prise des collyres, avec un impact dramatique sur l’évolution de la maladie » souligne le Pr Baudouin.
 

"Si les désagréments de ces médicaments s'avèrent plus importants que la gêne visuelle, cela peut mener à un défaut d'observance et à une perte importante de la qualité de vie."
 

Ce problème de tolérance des traitements est étroitement lié à l’utilisation de conservateurs pour stabiliser les collyres. Administrés pendant des années, voire des dizaines d’années, ceux-ci finissent par irriter et abîmer les yeux. C’est d’ailleurs un axe essentiel du travail de recherche de l’équipe du professeur, et ce depuis 1994. Cependant, les pratiques industrielles peinent à changer et il a fallu attendre les années 2000 pour que les premières formulations sans conservateur voient le jour. Le combat pour leur suppression est cependant encore loin d’être gagné même si plusieurs industriels ont suivi ces recommandations et si la France est pionnière dans ce domaine.

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Traitement du glaucome : après les collyres, le laser

Le schéma thérapeutique du glaucome est à l’heure actuelle bien rodé. Dans certains cas, les collyres s’avèrent insuffisants. Les indications chirurgicales sont de plusieurs types. La diminution de pression oculaire est insuffisante malgré les traitements, et le nerf optique continuer à se dégrader. Les médicaments peuvent s’avérer très mal tolérés par le patient. Autre indication, plus rare, malgré une bonne tolérance et la constatation d’une baisse de la pression oculaire, la dégénérescence du nerf optique continue de progresser, probablement du fait d’une tension oculaire qui varie dans le temps. « Pour stopper la dégénérescence, la pression oculaire doit être réduite ET stabilisée » souligne le Pr Baudouin, qui précise « il ne s’agit pas d’atteindre une valeur de pression pré-établie et identique pour tous les patients, mais de trouver pour chacun d’entre eux quelle diminution de tension permet d’arrêter la progression du glaucome ».

En première intention, un traitement laser du trabéculum, ou trabéculoplastie, est généralement proposé. Il ne s’agit pas ici de venir brûler ou percer le filtre naturel de l’humeur aqueuse mais plutôt de stimuler ses mécanismes d’autonettoyage, et ainsi d’améliorer sa perméabilité. Cette intervention au laser peut permettre de faire baisser la pression oculaire de 25 à 30% chez 70 à 80% des patients, une efficacité équivalente au collyre de prostaglandine, classiquement prescrit contre le glaucome. Cependant, de nouvelles études montrent qu’utiliser le laser plus tôt dans le schéma thérapeutique, avant les collyres, pourrait permettre de gagner quelques années avant de passer aux médicaments. Ces résultats doivent cependant être confirmés avant d’envisager une modification de la séquence des traitements.

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Traitement du glaucome : une importante dimension chirurgicale

Si la trabéculoplastie est inefficace, ou ne suffit plus, les chirurgiens ont encore plusieurs cordes à leur arc, sous la forme de chirurgies qui peuvent être perforantes ou non. Les premières, dites d’évacuation, consistent à ouvrir dans l’épaisseur de l’œil des sortes de soupapes ou des microdrains qui vont permettre à l’humeur aqueuse de s’évacuer. Les secondes, plus récentes, sont des techniques mini-invasives qui vont venir travailler sur le trabéculum en lui-même, notamment via la pose de stents, des tubes minuscules qui vont permettre de maintenir ouvertes les mailles de ce filet de collagène. « Ce sont des chirurgies très bien tolérées, car moins agressives puisqu’on ne crée pas de nouvelles évacuations. Mais comme le filtre naturel ne fonctionne pas très bien à la base, ces approches n’ont pas une aussi bonne efficacité que les chirurgies d’évacuation. Leur rapport bénéfice-risque est cependant particulièrement favorable lorsqu’on les associe à une chirurgie de la cataracte » détaille le praticien, qui met en garde contre l’idée qu’une telle opération suffirait à régler le problème : « Même les chirurgies d’évacuation les plus perforantes n’empêchent pas nécessairement le glaucome de revenir. Il n’est pas rare de devoir opérer plusieurs fois un patient glaucomateux ». A ce titre, le suivi de l’évolution de la neurodégénérescence du nerf optique est un élément essentiel dans la mise en place de la séquence thérapeutique adaptée à chaque patient. Le traitement du glaucome a ainsi grandement profité d’une véritable révolution de l’imagerie cette dernière décennie, à laquelle l’équipe du Pr Baudouin a largement contribué.
Au-delà de l’effet objectif, mesurable, des traitements sur la stabilisation de la vision, les équipes travaillant sur le glaucome cherchent à mieux appréhender l’impact des traitements du point de vue des patients. Ils s’appuient pour cela sur la plateforme Streetlab, installée au cœur de l’Institut de la Vision, qui leur permet d’évaluer ce que ressentent les patients dans une situation qui mime leur vie réelle et l’impact des traitements sur leur quotidien, leurs déplacements… Car tel est bien l’objectif : préserver la qualité de vie et la qualité de la vision.

 

Un handicap parfois difficile à comprendre

Dans le glaucome, le nerf optique s'abîme et, progressivement, n’assure plus sa fonction naturelle, qui est de conduire la vision. Mais, si une attention toute particulière est portée par la population générale au fait de voir net de près comme de loin, la vision est loin de se résumer à la seule acuité visuelle. Vision dans l’espace, taille du champ visuel, vision des couleurs, des mouvements, des détails, adaptation à la lumière… les composantes de la vision sont multiples. Dans le cas du glaucome, l’acuité visuelle est souvent très longtemps conservée, alors même que la vision périphérique est lentement affectée. Cet apparent paradoxe peut mener à de douloureuses incompréhensions de la part de proches, qui ne comprennent pas de quoi se plaint le patient puisqu’il voit « très bien ». Pourtant, lorsque la vision se referme en tunnel, que des zones de flou font progressivement disparaître des éléments du décor, y compris quand celui-ci est mouvant, les impacts sur les interactions sociales et la navigation spatiale en sécurité se font de plus en plus cruellement ressentir.


Propos recueillis par Aline Aurias

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